Bien-être, croyances et vigilance : comment garder un esprit critique sans renier le sensible

Les croyances dans le bien-être : une présence naturelle mais à questionner

Dans les pratiques de bien-être, qu’il s’agisse de sophrologie, de yoga, de méditation ou d’autres formes d’accompagnement, les croyances sont partout. Elles ne sont pas nécessairement religieuses ni mystiques, mais elles structurent souvent notre manière de percevoir le monde, le corps, les émotions, et la guérison. Et c’est normal : le cerveau humain fonctionne en permanence avec des récits, des hypothèses, des interprétations. Nous avons tous besoin de donner du sens à ce que nous vivons.

Le monde du bien-être est vaste, mouvant, et parfois déroutant. Il est traversé par des approches multiples, des traditions anciennes, des recherches contemporaines, des intuitions personnelles… et aussi, parfois, des croyances non vérifiées, des affirmations douteuses, des logiques d’emprise.

Mais il est tout à fait possible d’explorer ces pratiques avec ouverture, de s’autoriser des expériences subjectives, de s’appuyer sur des croyances ou des ressentis, sans renoncer pour autant à son esprit critique.
Croire, oui. Mais sans confondre foi personnelle et vérité universelle.
S’ouvrir, oui. Mais sans perdre sa capacité à dire non.

C’est là un équilibre délicat, mais essentiel.

Pourquoi les croyances sont-elles importantes ?

Les croyances peuvent soutenir une personne dans une période difficile, l’aider à se projeter dans un mieux-être, créer du sens et renforcer l’alliance thérapeutique.

Il est donc inutile de vouloir les éliminer à tout prix. L’être humain n’est pas une machine logique : il a besoin de sens, d’espoir, d’imaginaire. Mais ces croyances doivent rester des outils symboliques, pas des vérités absolues imposées.

Le risque : croire que ces croyances sont des faits

Le glissement problématique se produit quand une croyance est présentée comme un fait objectif, utilisée pour culpabiliser « si tu n’avances pas, c’est que tu bloques ton énergie », imposée comme une clé unique d’interprétation « si tu as mal au dos, c’est que tu refuses d’avancer dans la vie ».

Ce type de discours simplifie à l’extrême des phénomènes complexes (comme les douleurs chroniques, les troubles de l’humeur ou les traumatismes), et peut créer de la culpabilité, du doute de soi, voire une forme de dépendance vis-à-vis du praticien.

Ce que dit la science ?

L’effet placebo est un phénomène bien documenté en médecine : le simple fait de croire qu’un traitement est efficace peut produire un soulagement réel, même si ce traitement est inactif (comme une pilule de sucre ou une fausse stimulation).
Ce n’est pas de la magie, c’est de la neurobiologie : la croyance mobilise des mécanismes physiologiques (sécrétion d’endorphines, modulation de la douleur, activation de circuits neuronaux liés à l’espoir ou à la récompense…).

Reconnaître l’impact d’une croyance ne revient pas à dire qu’elle est scientifiquement fondée. C’est simplement reconnaître que le cerveau humain est perméable au sens qu’il attribue aux choses.

Dans les pratiques de bien-être, certaines croyances (même non validées scientifiquement) peuvent activer un effet placebo. Cela ne signifie pas que ces théories sont vraies objectivement, mais que le cadre rassurant, le rituel, la relation de confiance, et l’intention peuvent suffire à générer un effet bénéfique. En psychologie, on parle aussi d’effet contextuel.

En tant que professionnel.le, il est donc essentiel :

  • De nommer quand on transmet une croyance ou un modèle symbolique (par exemple : « selon la tradition taoïste… », ou « certains croient que… »),
  • D’inviter les clients à s’approprier ou questionner ces récits, et non à les adopter aveuglément,
  • De faire la distinction entre ce qui est issu de recherches, ce qui est issu d’un cadre traditionnel, et ce qui relève de l’intuition ou de la poésie intérieure.

La frontière fine entre accompagnement et emprise :

Dans toute relation d’accompagnement (qu’elle soit thérapeutique, corporelle, énergétique ou même pédagogique), il existe une relation asymétrique : l’un est en demande, vulnérable, en recherche de mieux-être ; l’autre est perçu comme sachant, rassurant, légitime.
Et c’est là que réside un risque subtil mais réel : celui de l’emprise.

L’emprise se définit comme la perte progressive d’autonomie mentale, émotionnelle et parfois physique d’une personne, sous l’effet d’un rapport de domination ou d’influence exercé par une autre.
Elle ne se fait jamais d’un coup, elle s’installe en douceur, par glissements successifs :

  • admiration → dépendance,
  • conseils → directives,
  • écoute → contrôle.

Dans les pratiques de bien-être, cela peut se manifester de façon très insidieuse. Pas besoin de gourou barbu ou de secte formelle. Une personne peut tomber sous emprise simplement parce qu’elle cherche un sens, une guérison, une solution rapide, et qu’un praticien lui donne des réponses séduisantes.

Certains discours peuvent glisser vers l’emprise, parfois sans que le praticien ne s’en rende compte :

  • « Moi seul(e) peux t’aider. » → exclusion des autres approches ou professionnels.
  • « Si ça ne marche pas, c’est que tu n’es pas prêt(e) ou pas aligné(e). » → culpabilisation du client.
  • « Ton mal-être vient de ta mauvaise énergie / d’un karma non réglé / d’une entité. » → explication mystique non vérifiable.
  • « Tu dois suivre ce stage / acheter ce programme pour aller plus loin. » → dépendance financière ou logique pyramidale.
  • Isolement social → encouragement à se détacher des proches qui « ne comprennent pas le chemin ».

Ces mécanismes ne relèvent pas toujours de la malveillance. Parfois, ils sont le fruit d’une immaturité professionnelle, d’un manque de supervision, ou de la reprise de schémas non questionnés dans le milieu du bien-être.

Ce que dit la psychologie sociale :

Les travaux sur la manipulation mentale, comme ceux de Robert Cialdini (sur l’influence), ou les analyses des dynamiques de pouvoir dans les groupes (Milgram, Zimbardo…), montrent à quel point tout humain est influençable, surtout en contexte de vulnérabilité émotionnelle ou de crise existentielle.
Ce n’est donc pas un défaut du client, mais un mécanisme humain normal. C’est à nous, praticien.ne.s, de créer un cadre sécure, où la suggestion reste bienveillante, limitée, consciente — et où le doute est toujours bienvenu.

Notre responsabilité en tant que praticien.ne.s :

Face aux croyances, à l’effet placebo, aux risques d’emprise et aux dérives sectaires, une question centrale demeure : comment exercer une pratique de bien-être à la fois respectueuse, éclairée et éthique ?
Car la solution n’est pas de « jeter le bébé avec l’eau du bain », ni de rejeter toute forme de symbolisme ou d’intuition. Il s’agit plutôt d’adopter une posture professionnelle responsable, consciente de son impact

Accompagner quelqu’un, c’est l’inviter à se réapproprier son pouvoir personnel, pas à se soumettre à un système ou à une figure d’autorité.
Cela implique :

  • De toujours valider l’autonomie du client : il a le droit de ne pas être d’accord, de consulter ailleurs, de douter.
  • De clarifier les rôles : on est là pour accompagner, pas pour sauver.
  • D’accueillir les limites de notre méthode, et de référer à d’autres professionnels si besoin.
  • D’adopter une posture humble, sans jargon mystifiant ni promesse de transformation ou de guérison garantie.

La posture du praticien de bien-être devrait être celle du jardinier plus que du guide : créer des conditions favorables, nourrir la terre, observer les processus, sans jamais forcer la croissance ni imposer la direction.
Et cela demande de la lucidité, de la vigilance, de l’humilité… et beaucoup d’humanité.

Car la qualité d’un accompagnement ne réside pas seulement dans la technicité d’un protocole, mais dans la posture éthique de celui ou celle qui l’incarne.

Il n’existe pas une seule voie de guérison, ni une méthode universelle. Chaque personne a un rythme, une histoire, une façon propre d’entrer en contact avec elle-même.

POINTS CLES DE L'ARTICLE

Dans un monde saturé de discours sur la guérison, la vibration, l’alignement et la réussite intérieure, il est plus que jamais nécessaire de proposer une vision du bien-être à la fois ancrée, exigeante et humaine.

Un bien-être qui ne soit ni froidement scientifique, ni ésotériquement flottant.
Un bien-être qui laisse de la place à l’expérience sensible, à l’intuition, aux dimensions subjectives de l’existence — sans pour autant abandonner le discernement, la nuance et la pensée critique.

Un accompagnement incarné, pas mystifié

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